CHAPITRE 1 :
La vidéo débuta et avec elle vint la date. Le cinq novembre, quatorze ans plus tôt. La caméra était sur un jeune garçon, des mèches d’une couleur ardoise, même si une part était plus foncée que le reste. C’était évidemment Kai. Il portait un sweat léger et un pantalon marron, mais malgré les habits, il frissonnait. Il n’y avait ni chaussures ni chaussettes à ses pieds et il était recroquevillé dans un coin d’une pièce obscure et ayant l’air froide et humide.
Le mur était en grande partie composés de barres et de sombres dalles de pierre composaient le sol, le plafond, et les trois autres murs. Ca ressemblait plus à une prison ou à un donjon qu’à une chambre, et pour les téléspectateurs, ça donnait l’impression qu’on avait enfermé le petit garçon pour ne plus jamais le laisser ressortir.
Il chantonnait quelque chose sans air ; ses mains tripotaient quelque chose et il remuait la tête légèrement en rythme avec quelque chose qu’il était sûrement le seul à connaître. Ses grands yeux étaient concentrés sur ce qui était dans sa main, quoi que ce soit, mais ils se levaient régulièrement pour regarder dans la chambre, comme à la recherche d’une autre forme de distraction. Il ne trouvait rien qui convienne, clairement. La porte s’ouvrit au bout du hall et il sursauta un peu, regardant en sa direction en prévision de ce qui viendrait. Des gardes s’approchaient et il tâcha de voir ce qu’il se passait.
« Mama ? » demanda-t-il, ses yeux regardant hors de la cellule avec espoir. Les barres commencèrent à coulisser pour laisser un des gardes rentrer, et il se rapprocha. Quelque chose vola vers lui cependant et il poussa un petit cri- bondissant en arrière, brandissant la beyblade à présent visible telle un bouclier, et son lanceur comme une épée. Les barres et la porte se refermèrent avant qu’il n’ait le temps de réagir et il regarda par dessus ses mains la chose qu’on avait mis dans sa cellule.
Ca ne bougeait pas et c’était en tas, il s’humecta les lèvres en se demandant quoi faire. Un pas en avant, puis un autre, il serra sa beyblade bleue dans sa main, Dranzer scintillant légèrement. Il marcha maladroitement jusqu’au tas, tentant de comprendre ce que c’était. Puis ça remua. Jappant à nouveau, il releva les mains pour se défendre une fois de plus avec ces jouets.
« Ow… » La chose parlait à présent. Kai s’approcha puis s’agenouilla, rampant un peu pour l’atteindre. Il regarda la chose et constata que ce qu’il pensait être un tas de déchets était en fait une personne. Un petit garçon comme lui.
« Est-ce que tu es mon ca-deau ? » Des sous-titres apparurent dans la vidéo à ce moment, les mots étaient dits en russe, et ils étaient là pour les assister. Le petit garçon leva les yeux vers lui et inclina la tête sur le côté, puis se serra contre ses genoux et haussa les épaules. Il ne savait pas. « Mama m’avait dit qu’elle me donnerait un cadeau. »
Des yeux bleus surpris le regardèrent avec confusion. Le garçon était de plus en plus visible. Des courts cheveux rouges qui tombaient devant ses yeux et une peau pâle étaient les deux principaux attributs du nouveau venu. C’était un Tala enfant, et les filles dans la pièce ne purent retenir un roucoulement en le voyant. Même les autres devaient l’avouer, Tala était un enfant très mignon. Tout comme Kai.
Les yeux du garçon se remplirent de larmes et il regarda autour de lui. Il ne savait pas où il était et il était de plus en plus effrayé. Kai fronça les sourcils et lui tapota le front. Le garçon fit un bond et se sauva rapidement, se cachant du mieux qu’il pouvait dans un coin.
Il pleurait silencieusement et Kai ne savait pas quoi en faire. Il se rapprocha, coinçant le garçon dans le coin et s’assurant ainsi qu’il ne se sauverait pas. Le garçon pleurait de plus en plus fort, émettant un son étrange ressemblant à un hurlement à chaque seconde.
« A’êtte ça ! » Siffla le garçon aux cheveux ardoise en se bouchant les oreilles. « A’ette de fai’e ce b’uit ! » Mais le garçon continua à hurler. De plus en plus fort alors que Kai se mettait aussi à lui crier d’arrêter. Finalement, le futur Bladebreaker en eut assez et le frappa sur le visage le plus fort possible. Le hurlement s’arrêta aussitôt et les spectateurs virent une main tremblante se poser sur sa joue, des larmes toujours dans les yeux. « C’est quoi ton nom ? » Le garçon secoua la tête, pleurant plus fort.
« Waw-oo, Waw-oo, Waw-oo, …” Le garcon se mit en boule, pleurant de plus en plus, ses petites mains sales frottant les larmes, ce qui n’arrangeait pas les choses. Frustré, Kai frappa à nouveau, espérant le faire se taire. Ca fonctionna. Le garçon le regarda.
« Je suis Sacha ! » Le garçon mit une main sur sa poitrine. Puis il pointa le rouquin. « Et tu es… ? » Le garçon inclina la tête. Il ne répondit pas et pleurait toujours, mais Kai avait su attirer son attention. Le garçon recommença. Il se désigna. « Sacha. » Puis le roux. « Toi ? » Les yeux bleus de l’enfant se fermèrent à moitié. Il ne semblait pas comprendre du tout. Il mit une main sur sa poitrine.
« Saaa-ch-aa ? » Essaya-t-il. Puis il pointa un doigt vers Kai. « Too-a ? »
« Non ! » Kai tapa du pied, ce qui fit frémir le rouquin qui se recroquevilla à nouveau. Irrité, l’autre garçon le força à se rasseoir normalement. « Je suis Sacha. » Il se désigna à nouveau, puis l’autre. « Toi ? »
« Saaa-cha. » Cette fois le garçon désigna Kai, ce qui lui valut un sourire. Il se désigna. « To-a ? »
« Non… Quel est ton nom ? » Ces mots semblait rendre le garçon encore plus confus. Il fixa la bouche de Kai, ne comprenant pas ce qu’il se passait. Kai se répéta. L’enfant inclina la tête sur le côté, yeux fixés sur la bouche et les mains de l’autre. « Est-ce que c’est Waw-oo ? » A l’entente du mot qu’il connaissait, le garçon se dressa et regarda autour de lui, comme cherchant quelque chose. Kai se releva rapidement, cherchant du regard ce qui pouvait avoir fait réagir son colocataire ainsi.
« Waw-oo ? » Le garçon regardait partout furtivement, et finalement les larmes lui montèrent une fois de plus aux yeux. Il commença à hurler et Kai le frappa aussitôt, réalisant clairement que c’était la méthode pour empêcher le garçon de faire ce son affreux. Le hurlement stoppa et le garçon se massa la joue.
« Pas bien ! » S’exclama Kai en désignant l’enfant. L’autre inclina la tête en reculant, comme pour comprendre ce que l’autre essayait de lui faire faire. « C’est pas bien ! »
Le rouquin semblait perplexe, et il fit ce son encore, un peu comme le cri d’un chien ou d’un loup, qui sonnait dans toute la pièce. Kai leva à nouveau la main mais l’autre leva le bras pour le stopper.
« Pas bien ! » Cria Kai, et le hurlement s’arrêta. Le rouquin ne comprenait peut-être pas ce que l’autre voulait dire mais ça ne voulait pas dire qu’il allait se laisser faire. Il montra des dents et Kai fit de même, aucun ne détournant les yeux de l’autre. Finalement, cependant, le rouquin se laissa tomber sur le sol et croisa les bras. Il ferma les yeux et détourna la tête. « C’est quoi ton nom ? » Il ne répondit pas, ignorant l’autre garçon complètement. Se mettant en colère, Kai lui donna un coup de pied.
L’effet fut immédiat. Le rouquin pivota et se jeta à la gorge de Kai, mais il se fit intercepter par le concerné et les deux tombèrent au sol. Ils frappaient et griffaient, criant, hurlant. Le rouquin faisait ce son horrible et Kai répliquait dans un russe colérique. Ils s’agrippaient à la peau de l’autre, frappaient, donnaient des coups de pied, griffaient, jusqu’à ce qu’ils soient épuisés.
Les spectateurs n’en croyaient pas leurs yeux. Les deux garçons s’étaient jetés l’un sur l’autre, attaquant sans relâche et ne s’appréciaient clairement pas du tout. Le rouquin était allongé sur le côté, prenant de profondes respirations et Kai s’était étalé sur son dos en toussant. Des yeux bleus se dirigèrent vers lui, quand soudainement une quinte de toux le prit.
La peur éclaira les yeux bleus et il le rejoignit rapidement, effrayé et essayant de comprendre ce qu’il se passait. Il lui donna un petit coup de coude, mais ça ne changea rien. La toux était de pire en pire, et les yeux bleus regardaient autour de lui avec peur, espérant trouver de quoi l’aider.
« Saa-chaa ? » Demanda le garçon avec peur. Des yeux rouges se dirigèrent vers lui un bref instant, criant silencieusement à l’aide. Le rouquin acquiesça, comprenant le message, et il regarda en direction des barres. Plus vite que quiconque lui aurait donné crédit, il courut vers elles et se glissa entre elles facilement. Puis il se mit à courir. Il courut à travers le hall en direction de la porte et l’ouvrit à la volée. Le tout en criant après « Waw-oo ».
Un garde le vit et criant, courant vers lui pour le capturer. Le garçon ne sembla pas réaliser qu’on lui criait dessus. A la place, il pointa la cellule d’où il venait et se mit à crier « Sacha ! Sacha ! » encore et encore. L’homme fronça les sourcils et pénétra dans la cellule, et voyant le garçon en train de tousser violemment allongé là, il se précipita et le souleva aussi.
On déposa les deux garçons dans l’aile médicale et la respiration de Kai s’apaisa lentement jusqu’à devenir passable. Il jeta un œil vers le rouquin qui lui avait sauvé la vie et lui murmura un bref merci. Le garçon acquiesça.
« Pourquoi est-ce que ce garçon ne parle pas ? » demanda un des docteurs au garde qui les avait amenés.
« Ils l’ont trouvé dans la montagne. Il était avec un loup qui ne laissait personne l’approcher. Ils pensent qu’au moins pendant un moment, le garçon était là et le loup s’en occupait… Il ne fait que japper et pousser des hurlements bizarres. »
« Et le loup ? Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? »
« Les types du développement, en bas, ont pensé qu’il ferait un spectre parfait pour le morveux quand il serait plus vieux. Ils sont en train de s’en occuper. »
« Magnifique… Ca pourrait être une des connexions les plus fortes que nous ayons jamais eues. Ca pourrait même être plus fort que les connexions dues au sang. » Le docteur était en train de marmonna et le garde hochait la tête une fois de temps en temps.
Kai regarda silencieusement le rouquin, ignorant aisément les adultes. Il le désigna. « Luka. » Le garçon inclina la tête. Puis Kai se désigna. « Sacha. » A nouveau le rouquin. « Luka. »
Puis ce fut le tour du gamin aux cheveux rouges. Il désigna Kai. « Sacha. » Puis lui-même « Luka. ». Le garçon aux cheveux ardoise acquiesça joyeusement et lui caressa la tête. Le garçon leva la tête pour mieux apprécier le contact puis se mit dans le lit à côté de Kai et les deux s’endormirent rapidement.
L’écran devint noir et la date apparut. Quatre jours plus tard.
Kai était assis à côté du petit roux, ses mains jouant encore avec la beyblade. Le plus petit regarda en sa direction, comme fasciné par ses mouvements. Il se rapprocha et regarda Kai trifouiller avec. Un certain respect traversa son regard, ce qui n’échappa pas à Kai. Il sourit en plaçant la toupies sur le lanceur d’un geste expert avant de tirer sur la tige.
Raté. Rien ne se passa. Il n’avait pas su tirer toute la tige et la toupie tomba simplement sur le sol. Le nouveau venu inclina la tête sur le côté. Il ne comprenait clairement pas ce qu’il y avait de spécial à faire ça. Il jeta un œil à Kai comme s’il savait pourquoi mais celui-ci rougissait furieusement et récupéra la toupie pour faire un deuxième essai.
Tyson riait hystériquement en voyant Kai ne pas savoir tirer la tige de tout son long. C’était drôle et une erreur de débutant. Cependant, Kevin lui claqua de fermer son clapet, et que tout le monde avait fait cette erreur au moins une fois en commençant le beyblade et bien sûr… Il y a quatorze ans, Kai n’avait que deux ans.
L’enfant qui s’ennuyait soupira lourdement puis regarda ailleurs, il n’était plus intéressé. Il se leva et commença à marcher vers les barres. Il inclina la tête sur le côté et passa une main au travers. Rien ne se passa. Puis il passa une épaule… et rien ne se passa non plus. Un pied, la moitié de la tête, l’autre moitié, puis en entier. Kai leva les yeux pour regarder ce qu’il faisait et vacilla.
« Luka ! ‘eviens ici ! » Appela-t-il en se précipitant vers les barres avant de saisir son colocataire au poignet. Il se retrouva face à un air surpris qui montrait clairement que l’autre ne savait pas pourquoi on l’avait rappelé. Soi ça, soit la manière dont on l’avait appelé. Il inclina la tête, chose qu’il faisait toujours quand il ne comprenait pas.
Le petit garçon avait quitté la cellule l’autre jour alors quel était le problème avec le fait de sortir maintenant. Kai pourrait d’ailleurs facilement l’accompagner à la taille des barres. Il jeta un regard en direction du hall. Il voulait savoir ce qu’il y avait d’autre dans cet étrange endroit. On l’avait aussitôt amené dans la chambre, puis dans l’aire médicale, et à nouveau la chambre. Rien de plus.
« Tu ne sais pas fai’e de beyblade. Tu vas être blessé si tu so’s sans savoi’ ! » Les mots n’avaient aucun sens aux oreilles du rouquin. Il fixait la bouche de Kai sans vraiment comprendre ce qu’on lui disait. Kai soupira et souleva Dranzer, laissant l’autre enfant la regarder. « Beyblade » dit-il lentement, tentant de transmettre ce qu’était l’objet. L’enfant regarda l’objet, puis à nouveau Kai. « Dis-le. Beyblade. » Kai bougea la main vers sa bouche puis mima le fait de parler avec sa main.
« Bay-buh-lay-duh.” Le garçon désigna la blade bleue, et Kai sourit, tendant le bras et caressa tendrement la tête de l’autre garçon pour lui faire comprendre que c’était bien. Le rouquin tendit le bras et toucha le spectre qui, soudainement, se mit à briller d’une couleur rouge et une flèche de flamme en sortit à toute vitesse, léchant le doigt de l’enfant. « OW !!!!! » Le garçon devint une véritable sirène en un instant, criant, hurlant, et secouant son doigt brûlé, le fourrant dans sa bouche alors que de grosses larmes coulaient sur ses joues.
Kai lui attrapa le bras et le tira rudement jusqu’au coin de la cellule. Il retira les doigts de la bouche du garçon et les claqua contre le sol, ce qui fit encore plus pleurer le garçon. La porte au bout du hall s’ouvrit et Kai lui murmura d’être silencieux. A sa grande surprise, le roux obéit. Les gardes apparurent et regardèrent dans la cellule.
Les deux garçons étaient assis d’un air innocent dans le coin et les gardes poursuivirent leur ronde, les ignorant complètement. Le rouquin siffla avec colère et remit rapidement son doigt dans sa bouche, léchant la brûlure et regardant Kai d’un air accusateur. L’autre haussa juste les épaules, regardant la toupie.
Le spectre brilla fièrement, et le petit bondit, se positionnant pour se cacher derrière ses bras. Kai ricana en réponse et la leva pour lui montrer que tout allait bien. « Pas feu ! » Insista le garçon, prononçant les premiers mots compréhensibles que Kai devait lui avoir appris durant les derniers jours. Le spectre brilla encore plus et le roux lui tira la langue. Une autre vague feu se propulsa vers lui et il jappa en s’écartant rapidement.
« Dahn-ze’ a’ête de blesser mon Luka !” Claqua Kai en s’adressant à la toupie comme si elle s’attendait à ce qu’elle obéisse. Les flèches de feu s’arrêtèrent aussitôt mais le spectre continuait à briller. Luka y jeta un regard noir de derrière le dos de Kai. « Elle ne voulait pas te blesser, p’omis ! » Même si le rouquin n’était clairement pas d’accord… si d’aventure il comprenait.
L’écran redevint noir et une autre date apparut. Le douze décembre, toujours quatorze ans plus tôt. Kai et le garçon qu’il avait appelé Luka, ils étaient dans une sorte d’installation faite pour l’entraînement chacun ayant une beyblade dans la main. Le garçon aux cheveux bleus faisait signe à celui aux cheveux rouges qui les suivait et celui-ci acquiesça lentement, commençant à comprendre ce qu’il se passait autour de lui. Il répondait même parfois avec des mots simples ici et là. Dans leurs mains il y avait lanceur et tige et il était clair qu’ils étaient censés s’entraîner à les utiliser. Une fois de temps en temps, on leur disait d’arrêter de blablatter et de reprendre l’exercice.
« Répétez après moi !
La victoire est la vie, nos ennemis seront défaits ! Et tirez la tige ! » Les garçons échangèrent des regards et Kai essaya de voir si le rouquin comprenait ce qu’on leur demandait, mais l’enfant hocha simplement la tête et ils s’accomplirent. Ils parlaient en babillage de bébés mais ils étaient assez proches de ce qu’on leur demandait de faire, et les cordes glissèrent à l’unisson.
Elles devaient ; Ils s’étaient apparemment entraînés toute la journée. Douze autres garçons étaient dans la salle. Ils avaient tous des carrures et des tailles différents, et la plupart n’avaient pas le même âge. Luka et Kai étaient clairement les plus jeunes. On les repérait grâce à leur petite taille et on les entendait à peine derrière les voix puissantes des autres garçons.
« La ictoi’e est la ‘ie, nos zennemii se’ont défaits. » Entonnaient-ils, mais les sourires malins qu’ils s’envoyaient l’un l’autre montraient à quel point ils trouvaient ça stupide. Perdant en attention, Luka manqua la corde suivante. Ses yeux regardèrent en haut, en haut, vers le plafond qui semblait de plus en plus éloigné jusqu’à ce que-
« LES YEUX DROITS DEVANT MISERABLE ASTICOT ! » Il glapit quand une main lui saisit l’arrière de la tête, et il se retrouva soudainement à quatre pattes. Kai pivota et donna un bref coup de pied dans le menton de l’assaillant. Ce fut au tour de l’homme de glapir et il saisit rudement le garçon au cou. Luka regarda le chaos avec incrédulité, et les autres garçons étaient trop surpris pour bouger, ils regardaient le garde frapper Kai.
Furieux, le rouquin se jeta sur l’homme, plantant sauvagement ses dents dans la main de l’assaillant et l’homme cria, secouant la main (et Luka au passage) comme si elle était possédée.
« Ne lui pas de mal ! » Cria Kai en frappant l’homme une fois de plus. Accosté par les deux enfants, l’homme était perdu et les claqua l’un contre l’autre. Aussitôt, les deux le lâchèrent. Kai saisit la main de Luka et ils se précipitèrent hors de la pièce, plus vite que quiconque les aurait crus capable.
« ATTRAPEZ CES DEUX LA ET RAMENEZ-LES MOI ! » Cria le garde avec fureur tout en essayant d’arrêter le sang qui coulait de là où Luka l’avait mordu avec ses dents de bébé.
Il était inévitable qu’ils soient attrapés. Aucun enfant ne pourrait distancer un adulte, encore moins un groupe d’entre eux. Ils furent ramenés rudement et douloureusement an centre d’entraînement où ils se retrouvèrent rapidement allongés sur les genoux des gardes afin de recevoir la fessée de leur vie. A chaque frappe, ils pleuraient de plus en plus fort, hurlant avec tant de puissance que quelqu’un essaya même de faire taire Luka en mettant une main devant sa bouche. Mais l’enfant mordit la main qui avait osé le toucher une fois de plus et elle ne retenta pas l’expérience.
« Saloperie de cannibale ! » Kai les fusilla juste du regard et serra son colocataire tremblant contre lui, en colère, souffrant et ne sachant pas ce qu’il avait fait de mal. On les envoya tous les deux dans leur cellule sans dîner ce soir là. Ils restèrent là-bas la journée suivante sans eau ni nourriture, et c’est seulement au troisième jour qu’ils reçurent un peu d’eau à partager entre eux. Ca se poursuivit jusqu’à la fin de la semaine où ils furent traînés hors de leur cellule et ramenés dans la salle d’entraînement.
« Répétez après moi !
La victoire est la vie, nos ennemis seront défaits ! Et tirez la tige ! » Cria le garde. Cette fois ils firent ce qui leur était demandé et n’osèrent même pas lever les yeux de leur tâche. Ils avaient clairement appris leur leçon.
Le déroulement du temps donnait l’impression d’une ellipse alors que secondes et heures s’écoulaient, et que la date et l’horloge dans le coin en bas à droite bougeait à toute vitesse pour monter le temps entre le combat et le moment où ils furent libérés. Ceux qui regardaient la cassette, en revanche, avaient du mal à croire ce qu’ils voyaient. Deux enfants (dont l’un comprenant à peine le monde qui l’entourait) malmenés et attaqués pendant qu’ils étaient forcés à pratiquer un sport qu’ils étaient bien trop jeunes pour même comprendre. Ils doutaient que les garçons ne comprennent même ce qu’on leur demandait de répéter.
L’extrait suivant était daté du 24 décembre et commença à nouveau dans la cellule des garçons. Ils étaient allongés et discutaient (Luka avait apparemment appris plusieurs mots pendant le mois et demi qu’il avait passé là), dans leurs mains étaient leurs beyblade. C’était visiblement une constate, peu importe où ils étaient dans l’Abbaye, leurs toupies restaient avec eux.
Luka semblait préférer juste écouter Kai, cependant, il répondit une fois de temps à autres, mais en général il ne prêtait pas très attention au babillage enfantin. Il chantonnait doucement sans ouvrir la bouche, et les deux étaient bien dans leur cellule. La porte au fond du hall s’ouvrit et ils s’assirent pour regarder en sa direction.
Il y avait une femme, sa longue chevelure argent attachée dans une ravissante tresse, et ses yeux lumineux brillant dans le noir. Ses talons claquèrent sur le sol et d’un mouvement de poignet, les barres coulissèrent et elle entra dans leur cellule. Elle était magnifique dans tous les sens du mot. Souriant, elle s’avança vers eux et Kai se jeta dans ses bras.
« Mama ! » s’exclama-t-il, la serrant avec force. Luka fronça les sourcils, inclinant la tête d’un air confus. Il ne savait pas qui elle était et il ne connaissait pas le mot. La femme regarda vers lui et sourit.
« Eh bien Sacha ! Qui est ton ami ? » Demanda-t-elle en le taquinant, et il regarda vers le rouquin.
« C‘est Luka ! Je lui ai donné son nom pa’ske il n’en avait pas ! Tu l’aimes bien ? » Il la regarda, inquiet à l’idée qu’elle n’aime pas le nom qu’il avait donné au garçon. Le visage de la femme se fit dur à ce moment, et elle donna l’impression d’être très en colère envers quelque chose, mais elle ravala sa furie et fit un demi sourire.
« Bien sûr mon ochochonya. Et est-ce que toi et ton ami aimeriez venir à la maison avec moi aujourd’hui ? » Derrière elle, le garde qui l’avait escortée s’interposa.
« Madame, vous n’êtes pas autorisée à prendre celui aux cheveux r… » Elle se redressa, soulevant Kai avec elle. Ses mots étaient froids, glacés même.
« Vous pouvez demander à mon père si j’ai l’autorisation d’emmener mes fils hors d’ici. »
« Vos fils… ? »
« Bien sûr, n’est-il pas ton frère Sacha ? » Elle regarda d’un air significatif le petit garçon aux cheveux bleus qui acquiesça.
« Si ! » S’exclama-t-il avec enthousiasme.
« Alors c’est réglé. » Elle regarda la roux avec un grand sourire. Quand elle tendit la main, il la saisit avec précautions, les yeux grands ouverts alors qu’il observait son beau visage. « Bonjour Luka, et si on rentrait à la maison, tu es d’accord ? » Il ouvrit de grands yeux et acquiesça lentement.
« Méé-son ? » demanda-t-il silencieusement, tentant de comprendre le mot. Kai se mit à rayonner.
« On va te mont’er la maison ! » Le rouquin sourit face à l’enthousiasme de son colocataire et acquiesça.
La scène disparut, mais aucune nouvelle date n’apparut, et quand l’image revint, il semblait que la scène suivante se déroulait dans un autre environnement. On était dans une maison bien éclairée et décorée avec des douzaines de couleurs allant avec Noël. La porte s’ouvrit en grand et Kai la traversa comme une flèche, riant de plaisir.
Luka était dans la bras de la mère de Kai, endormi profondément, sa tête contre son épaule alors qu’elle l’amenait précautionneusement à l’intérieur. Elle souriait chaleureusement à son fils et son nouveau pupille alors qu’ils rentraient. Un homme entra dans la pièce et regarda l’enfant dans les bras de la femme, un sourcil haussé.
« Et qui est-ce ? » Demanda-t-il alors qu’il lui prenait avec soin le petit garçon endormi. Il regarda avec attention l’enfant, comme cherchant quelque chose qui était ou aurait pu être là. Ne trouvant rien, il releva la tête vers sa femme.
« Luka… Du moins d’après Sacha. » répondit la femme alors qu’elle retirait ses bottes de neige. « Sacha, tes chaussures ! » cria-t-elle au garçon qui examinait le sapin. Il se retourna et aperçut l’homme.
« Papa ! » S’exclama-t-il avant de courir en sa direction, serrant contre lui les jambes de l’homme qui lui caressa la tête avec affection.
« Bonjour mon garçon. » Lui sourit-il, puis il se tourna vers sa femme. « Luka ? »
« Le nouveau camarade de chambre de Sacha à l’Abbaye… » Elle soupira lourdement mais sourit en regardant son fils. « Pourquoi n’irais-tu pas jouer dans le salon pendant que papa et moi trouvons un endroit où Luka peut dormir ? » Kai acquiesça et détala, mais sembla penser un instant à quelque chose avant de revenir.
« Mama, est-ce que ce pè’e Noël dont tu m’as pa’lé la de’niè’e fois va aussi amener quekchose pou’ Luka ? » demanda-t-il silencieusement en regardant son camarade endormi. Elle acquiesça cependant.
« Bien sûr, le père Noël apporte des cadeaux à tous les enfants sages. »
« Comme tu m’as appo’té Luka ? » Demanda-t-il avec un air joyeux. Le sourire de la femme se fâna.
« Je t’ai apporté Luka ? »
« Oui ! Tu m’as dit que tu allais m’appo’ter un cadeau, et puis Luka est venu ! C’est le meilleu’ cadeau du Monde entier ! » Kai souriait brillamment et sa mère essaya de faire de même, mais elle croisait le regard de son mari et il était clair qu’il n’était pas aussi heureux que son fils.
« Va t’amuser avec tes jouets mon chéri. » Murmura-t-elle, et l’enfant disparut de leur vue. Elle regarda son mari.
Les deux furent silencieux pendant un petit moment, montant les escaliers près de la porte et traversant une série d’allées. Durant tout ce temps, le petit garçon dormait, ne se rendant compte de rien de ce qui se déroulait autour de lui. Ses petites mains frémirent dans son sommeil, sa poigne sur sa beyblade diminuant alors qu’il était de plus en plus profondément perdu au pays des rêves.
La mère de Kai regarda ses mains, observant alors qu’elles bougeaient sur la toupie même durant son sommeil, elles se crispaient et se détendaient autour de ce qui n’aurait du n’être qu’un simple jouet. Quelques chose l’inquiétait, et c’était clairement écrit sur son visage. Ils atteignirent une porte, et elle l’ouvrit pour son mari qui entra à l’intérieur et se dirigea vers un lit en forme de voiture au centre de la pièce.
La pièce entière ressemblait beaucoup à une pouponnière, les murs peints d’un bleu plaisant, et le sol était un tapis pelucheux dans lequel on pouvait enfoncer les pieds. Il y avait des jouets et des petits livres alignés contre les murs et d’autres boites de jeux rangées sur le sol.
Le garçon remua légèrement lorsqu’on le posa sur le lit, son tee-shirt se relevant assez pour qu’on distingue un énorme bleu sur son dos. La femme ne put retenir un son étranglé, sa main se posant sur sa bouche alors que ses yeux restaient fixés sur le bleu. L’homme siffle de colère et leva le tee-shirt. On trouvait des cicatrices de toutes tailles et formes sur le corps du garçon. Il y avait des marques de morsures ressemblant à celles d’un chien sur ses épaules, et le même genre sur ses bras.
« Que lui est-il arrivé Aya ? » Demanda-t-il en regardant sa femme. Elle secoua la tête, elle ne savait pas.
« Je ne pouvais juste pas le laisser seul… pas le jour de Noël. Je devais le ramener avec Sacha… » Elle avança, retirant une mèche rouge du visage du petit garçon. « Sacha a dit qu’il n’avait pas de nom… Qu’il était en réalité celui qui l’avait nommé… »
« Appelle ton père, vois ce que tu peux trouver sur lui… Je suppose que je devrais aller au magasin, voir ce que je peux lui trouver pour Noël ? » L’enfant se retourna brusquement et heurta sa main, des yeux bleus clignèrent avec sommeil et il regarda autour de lui.
Il jappa à cause du choc en voyant l’homme aussi proche de lui et il recula à toute vitesse jusqu’à se retrouver dos au mur. Horrifié quand il vit que Sacha n’était nulle part en vue, il regarda frénétiquement autour de lui. La peur commençait clairement à prendre possession de lui et les adultes ne savaient quoi faire.
« Luka ? » demanda la femme en tendant la main pour toucher son bras. Il la repoussa, levant ses bras devant son visage. « Je suis la mama de Sacha, tu te souviens ? » Il la regarda et sembla la reconnaître lentement. « C’est son papa… » Les yeux du garçon fixèrent l’homme.
« Pa…pa ? » Dit-il lentement, tâchant de bien prononcer le mot. L’homme fit un minuscule mouvement d’approbation, ses yeux ne bougeaient pas du garçon.
« Comment vas-tu ? » demanda-t-il poliment à l’enfant. L’enfant le fixa, regardant sa bouche bouger, mais ne répondit pas. A la place, il croisa son regard alors qu’il essayait de comprendre ce qu’il essayait de dire. Il ne comprenait pas ce qu’on lui demandait. Il jeta un œil vers la femme, mais elle ne l’aidait pas.
« Sacha ? » demanda-t-il silencieusement, cherchant à savoir où était passé son compagnon.
« Il est en bas. Nous pensions que tu aimerais peut-être te reposer… Tu t’es endormi pendant le trajet en voiture. » Le garçon regarda la femme alors qu’elle parlait. Il cligna, tentant de clarifier ses idées et de comprendre les mots. Il y en avait beaucoup qu’il n’avait jamais entendus, et encore plus qu’il avait entendus à des places qu’ils ne comprenait pas. Il regarda à nouveau l’homme, puis la femme. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait.
« Sacha ? » demanda-t-il de nouveau, regardant dans la chambre, la fixant vraiment pour la première fois. C’était si différent des chambres de l’Abbaye qu’il peinait à y croire. Ici, c’était si chaleureux et accueillant. Il regarda les adultes. Ils se regardaient, comme s’ils essayaient d’avoir une conversation privée sans lui.
« Que se passe-t-il ? » Demanda l’homme, regardant Aya avec inquiétude. Elle haussa les épaules.
« Je ne sais pas. Sacha a dit qu’il n’avait pas de nom… Peut-être qu’on ne lui a jamais appris à parler ? » Des bruits de pas retentirent derrière eux, aussi bruyants que le tonnerre, et ils levèrent les yeux. Et là, dans toute sa gloire, se tenait Voltaire Hiwatari, un Sacha riant d’un air extatique sous le bras.
« Ah, vous êtes tous là. J’ai trouvé ce petit voyou dans la cuisine en train de chaparder des casse-croûte du plateau. » Annonça-t-il, balançant doucement le garçon devant lui. Kai se mit à bruyamment, ses yeux emplis de gaieté.
« C’est pas v’ai ! Je voulais juste amener des cookies pou’ Luka, il n’en a jamais mangé ! » Les parents se regardèrent à nouveau puis pointèrent leurs regards sur Voltaire. Le rouquin entre eux, en revanche, sembla littéralement s’envoler sur Kai, la tête baissée alors qu’il s’agrippait à l’autre garçon comme si sa vie en dépendait.
« Pépé, voici Luka ! » Annonça-t-il fièrement, ignorant l’apparence silencieuse et très peu assurée de son ami. L’homme baissa les yeux vers Luka et fronça les sourcils.
« C’est très bien Kai, maintenant… Pourquoi est-ce que toi et ton ami n’iraient pas tenter de combattre les défenses de la cuisine une fois de plus… Vois si vous serez attrapés par ces cuisiniers embêtants une fois de plus. » Le garçon acquiesça et entraîna son ami dans le hall avec lui. Enfin seuls, les parents regardèrent sévèrement l’homme qui avait également l’air sombre.
« Père, qui est ce garçon ? Il était à ton Abbaye avec Sacha. » Siffla Aya furieusement.
« Il est l’un des enfants qui étaient supposés naître à l’Abbaye. » Soupira lourdement l’homme en levant une main contre son visage.
« Supposé naître ?! » fit son beau-fils furieux.
« Oui… A la dernière minute, la femme qui le portait et son enfant à naître on disparu. Boris les a pourchassés ces deux dernières années, je viens d’apprendre qu’ils avaient retrouvé le garçon en Sibérie… de tout ce qui était possible, un garçon s’en occupait. On n’a pas retrouvé la femme. On a ramené l’enfant à l’Abbaye et je suppose qu’il a été placé dans la même chambre… »
« Cellule. » l’interrompit sa fille avec colère.
« …que Kai. »
« C’est Sacha, père. »
« Il sera toujours Kai pour moi. » Répliqua-t-il. « Et pour ce qui est du garçon… Je doute qu’il comprenne ce qu’il lui est arrivé depuis un mois. Boris dit qu’il a légèrement appris à parler, mais… »
« Nous l’adoptons. » Dit soudainement Aya. Son mari se tourna vers elle, la bouche ouverte sous le coup de la surprise. Voltaire haussa juste un sourcil. « Et nous lui apprendrons à parler. » Ajouta-t-elle après un moment de réflexion.
« Tu sors vraiment des normes des fois, ma fille, pour ramasser chaque animal errant de ce côté de Moscou à Tokyo. » Murmura-t-il en levant les yeux au ciel. « Tes sept autres petits orphelins ne te causent pas assez de problèmes pour que tu en veuilles un de plus ? »
« Si tu appelles mes
enfants ‘petits orphelins’, alors non, ils ne m’en causent pas assez. Tu sais mieux que quiconque que nous gagnons bien assez pour tous nous entretenir, ici. » Dit-elle simplement en avançant pour embrasser son père sur la joue. « Maintenant, est-ce que tu restes pour dîner ou est-ce que tu vas quitter ta seule famille au risque de passer pour un vieux ronchon. » demanda-t-elle les yeux dansants.
« Je n’ai aucun moyen de te convaincre de ne pas adopter ce garçon ? » demanda-t-il alors qu’il se tournait pour suivre sa fille dans le hall.
« Pas le moindre, de plus, Sacha se mutinerait sans le moindre doute si tu envisageais de lui retirer son ‘cadeau’. »
« Oh, j’ai si peur, un gamin se mutinant, mais que devient le monde ? » rétorqua Voltaire en levant les yeux au ciel alors qu’il progressait dans le hall.
L’écran devint noir un instant et Mariah en profita pour mettre en pause. Elle regarda les Bladebreakers qui étaient ceux ayant le plus d’expérience quant à Voltaire. Ils la regardèrent alors qu’elle se mordait la lèvre, réfléchissant à la manière de poser sa question de manière appropriée.
Pour elle, Voltaire ne semblait pas être un homme mauvais. Peut-être montait-il vite sur ses grands chevaux, et il semblait vouloir appeler Kai d’un nom différent que ses parents, et pourtant… Il était étrangement acceptant face à tout ce qu’il se passait. Il avait accepté la décision rapide de sa fille d’adopter Luka, et il semblait quelqu’un que Kai admirait et en qui il avait confiance. Il semblait même le genre à passer de la monnaie à son petit fils sous la table (au grand désespoir des parents dudit petit fils.). Quoi qu’il en soit… Pas une mauvaise personne. Certainement pas une personne qui espérait s’emparer du Monde à la tête d’une armée de spectres vouée à la destruction et qui manipulerait génétiquement Tala et tuerait ses propres enfants.
Ce fut cependant Emily qui parvint le mieux à l’exprimer. Elle posa sur la table la boisson qu’elle buvait et posa son menton sur ses mains. Ses doigts étaient entremêlés et elle semblait dans un état de profonde réflexion. Finalement, elle parla.
« Qu’est-ce qui a bien pu se produire pour changer ces gens à ce point ? Kai aujourd’hui n’envisagerait même pas de rire comme il le fait ici, et même si je saisis le fait que Tala… Luka… ne parle pas très bien, il n’agit sûrement pas comme le cube de glace sans émotions de maintenant… Cet homme, Voltaire, il ne semble même pas être ce sale type que nous connaissons et haïssons aussi… »
« Ouais, je sais… Mais d’un autre côté, ça s’est produit il y a quatorze ans. Beaucoup de choses peuvent arriver en quatorze ans. » Marmonna Enrique bien qu’il ait l’air pensif également. Il n’y avait qu’une manière de satisfaire leur curiosité, et c’était de poursuivre le film.
Pourtant, il était difficile de penser que ce film disait la vérité, et que ces gens seraient un jour ceux qui tenteraient de s’emparer du Monde. Pour le moment, il n’y avait aucune illusion de grandeur mégalomane, ou même de discussion concernant une attaque du Monde quelle qu’elle soit.
Ils semblaient une famille heureuse souhaitant fêter Noël ensemble. La seule partie qui donnait l’impression d’être fondamentalement mauvaise était l’Abbaye. L’entraînement que les garçons avaient commencé était ridicule, surtout quand ils étaient disciplinés par les gardes. C’était quelque chose que peu des bladers de la salle pouvaient supporter, et encore moins souhaiter à quiconque. Certainement pas deux enfants qui n’avaient aucune idée de ce que signifiait le beyblade ou même ce que c’était.
La manière dont les graines de leur future personnalité avaient été plantées était cependant évidente. Les adolescents que tous connaissaient aujourd’hui traitaient le beyblade comme si c’était plus qu’un sport, comme si c’était leurs vies. Ce n’était pas un jeu pour eux. Les Demolition Boys en particulier agissaient comme si c’était quelque chose de complètement et totalement sans pitié, et agissaient comme tel.
Ils combattaient comme s’ils étaient sur un champ de bataille, et pourquoi pas ? Quand on considérait que, si jeunes, leur vie étaient formées de manière à être un champ de bataille. On leur enseignait à combattre et à attaquer… Ils étaient entraînés à être des petits zombies qui écoutaient tout ce que les gardes de l’Abbaye leur disaient.
Si leurs vies entières avaient été comme ce qu’ils venaient de voir, alors il était évident qu’ils ne pouvaient considérer le beyblade comme un jeu. Il était même encore plus évident que la vraie valeur du jeu (être un jeu justement) allait leur échapper totalement. Ils ne pouvaient, après tout, comprendre ce qu’il y avait d’amusant à ça, si tout ce qu’ils faisaient était d’y être entraînés comme si c’était un travail.
Les petites mentions concernant le loup, en revanche, avaient surpris toute la salle. Imaginer un enfant jeté dans la nature qui, comme dans l’histoire de Remus et Romulus, était retrouvé par un loup qui s’en était occupé jusqu’à ce qu’on les trouve, ça avait quelque chose du conte de fée. Ce genre de chose n’arrivait pas dans la vie réelle.
Les loups étaient très protecteurs envers leurs petits, ou même envers tout enfant, mais la rareté d’une telle situation était sidérant. Que Tala ait survécu jusqu’à ce qu’on le trouve avait été assez pour rendre incrédules les bladers. Le froid de la Russie était suffisant pour tuer n’importe quel enfant, même solide, et pourtant il avait réussi à survivre avec la seule chaleur d’un loup pendant un bon moment. Un moment si long que, à partir du moment où il avait été assez conscient pour apprendre à parler jusqu’au moment où on l’avait trouvé, il avait été complètement abandonné par la société et ne savait s’exprimer que par le langage que le loup avait employé et lui avait appris.
Les morsures sur les bras et les épaules du garçon étaient de claires indications quant au fait qu’il avait été transporté par l’animal à un moment, et qu’on l’avait tiré et traîné pour le sortir de là. Et pourtant, le garçon était en vie. Malgré l’improbabilité de cette situation, et il était vivant, et il s’était retrouvé, entre toutes les personnes possibles, avec Kai.
Son histoire semblait plus fantastique que n’importe quoi d’autre, et les adolescents dans la pièce la trouvaient difficile à croire. Cependant, ils devaient poursuivre leur visionnage pour comprendre, et lentement mais sûrement, Mariah leva la télécommande qu’elle avait ramassée plus tôt, et appuya sur le bouton de lecture.